Sep 10, 2020 / by Perrine Tiberghien / In Non classé / Commentaires fermés sur Brushing scam : pour vos avis aussi, il faut veiller au grain !
Brushing scam : pour vos avis aussi, il faut veiller au grain !
Ces derniers mois, des internautes américains, canadiens et français se sont inquiétés de recevoir des petits sachets de graines, envoyés depuis la Chine, alors qu’ils n’avaient rien commandé. Différents gouvernements ont même alerté sur le risque de planter des graines « inconnues ». Pourtant, ce n’est pas le contenu des colis qui posait souci. Les graines ont surtout servi à justifier de faux avis déposés sur des plateformes de vente par les vendeurs eux-mêmes. Cette technique du « brushing scam » est interdite bien sûr, mais elle montre aussi l’importance que prennent les avis vérifiés. Ces précieux avis vérifiés sont-ils devenus le nouveau cheval de bataille et le Saint-Graal des vendeurs et des plateformes ? Faut-il passer par les faux avis pour générer de la notoriété ?
Une nouvelle technique pour déposer de faux avis : le brushing scam
A l’origine, des graines envoyées chez des particuliers qui n’avaient rien commandé
La première alerte vient des Etats-Unis, en juillet dernier : des internautes s’inquiètent d’avoir reçu des graines dans des petits colis, alors qu’ils n’ont rien commandé. Sur fond de crise COVID-19 et alors que les colis proviennent de Chine, le signalement est pris au sérieux par le département de l’Agriculture américain (USDA) qui mène son enquête. En août 2020, en France, c’est au tour du Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation de se pencher sur le problème et d’appeler les internautes à ne pas semer lesdites graines. Sur Twitter, le ministère français parle de « semences d’origine inconnue » qui pourraient propager des maladies, ou des « plantes invasives ».
Fin juillet, des sachets de semences non sollicités, en provenance de Chine, ont été reçus par des particuliers
— Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation (@Agri_Gouv) August 21, 2020
➡Ces semences d’origine inconnue peuvent être vectrices de maladies non présentes sur le territoire 🇫🇷 ou s’avérer être des plantes invasiveshttps://t.co/v5gddapOv5 pic.twitter.com/nEgbDhjfoo
A la mi-août, l’USDA estime que ces envois de graines – identifiées comme des semences de chou, de moutarde ou encore de lavande – ne sont en fait qu’une tentative de « brushing scam ». C’est-à-dire une technique qui consiste à envoyer de fausses commandes, dans le but de générer de faux avis sur des plateformes de vente… celles-là bien réelles.
Pourquoi des graines ? Parce que c’est peu coûteux. C’est ce qui explique que d’autres internautes aient reçu des enveloppes contenant de simples étiquettes par exemple. Mais en choisissant d’envoyer des graines, les vendeurs ont attiré l’attention des réseaux sociaux et des médias, provoquant un buzz autour de colis considérés comme inquiétants. Mauvais pioche !
L’avis vérifié, cheval de bataille des plateformes de vente en ligne
La lutte contre les faux avis constitue en fait un défi de taille pour les sites de vente en ligne, ou pour les plateformes spécialisées. Nous en parlions d’ailleurs dans une précédente note de blog : en juin, le PDG de Trustpilot a annoncé une nouvelle série de mesures pour « rester la plateforme d’avis la plus fiable du monde ». Sur ces sites spécialisés comme sur les sites de vente, l’avis vérifié – et vérifiable – a beaucoup de prix. Les adresses IP, les adresses mail, les termes trop similaires font ainsi l’objet de vérifications algorithmiques ou humaines. Certaines plateformes demandent systématiquement un lien avec une véritable commande pour que l’internaute puisse laisser un avis. Ainsi, depuis 2019, le géant du e-commerce Amazon a mis en place un système d’avis en un clic, qui doit permettre aux acheteurs de laisser un avis plus facilement après leur achat pour générer plus d’avis vérifiés. En résumé, l’avis vérifié est devenu à la fois le cheval de bataille et le Saint-Graal des plateformes de vente.
Générer de faux avis positifs grâce à de fausses commandes… mais avec un vrai suivi
C’est là qu’intervient la technique du « brushing scam ». Comment ça marche ? L’expéditeur envoie des paquets à des adresses sélectionnées au hasard. Pour chaque paquet, il crée un faux compte sur une plateforme de vente. Les destinataires n’ont jamais passé de commande et ne savent même pas qu’un compte existe avec leur adresse postale. Mais une fois que le paquet est réceptionné, le vendeur poste lui-même un avis en utilisant le faux compte. Cet avis, élogieux bien sûr, met en valeur tout article du vendeur : des bijoux, des accessoires, des vêtements, des produits high-tech…
Pour la plateforme de vente, le suivi prouve qu’une commande existe bien, ce qui permet d’avoir un avis vérifié. Le vendeur bénéficie ainsi d’une meilleure visibilité grâce à sa note positive. Et le prochain acheteur va se fier aux avis vérifiés qui vantent l’excellente qualité des bijoux ou des produits high-tech.
Comment les plateformes peuvent-elles lutter contre les faux avis ?
La vente de graines désormais interdite sur Amazon mais…
La technique du « brushing scam » n’est pas nouvelle. En 2015, le Wall Street Journal s’en faisait l’écho, évoquant comment cette technique était largement utilisée sur la plateforme chinoise Alibaba. Mais c’est la première fois que la plateforme de vente Amazon est concernée à cette échelle, ou du moins de façon aussi visible.
En réaction, Amazon a interdit les ventes de graines sur son site depuis le 7 septembre 2020 aux Etats-Unis. Mais cette réaction est un coup d’épée dans l’eau : le brushing scam ne se limite pas à l’envoi de graines, bien au contraire. Certains destinataires peuvent recevoir des petits objets, des étiquettes, du papier coloré… ou même des œillets, comme en témoigne cet internaute lillois sur Twitter. Sur ses faux avis, le vendeur fait de toute façon référence à des articles qui n’ont rien à voir avec ce qui a été envoyé.
La vraie question que l’on peut se poser, c’est comment les plateformes peuvent-elles lutter contre le brushing scam, et contre les faux avis de manière générale ?
Poster des faux avis, une bonne solution pour les professionnels ?
Non. Poster de faux avis n’est pas une solution envisageable pour un professionnel, même s’il a besoin de plus de visibilité ou de remonter une note. D’abord parce que cette pratique est interdite : elle est surveillée par la DGCCRF depuis plusieurs années. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a mis en place depuis septembre 2013 la norme NF Z74-501, pour fiabiliser les avis. Un projet auquel Web Report a participé avec l’AFNOR. Plusieurs articles de loi prévoient aussi des sanctions contre les entreprises qui se risquent à ces « pratiques commerciales trompeuses ».
Les faux avis sont sanctionnés par les plateformes elles-mêmes. Sur TripAdvisor par exemple, lorsqu’un faux avis est repéré sur la fiche d’un restaurant ou d’un hôtel revendiqué, le propriétaire reçoit un premier avertissement. En cas de récidive, il peut perdre l’accès à sa fiche, qui est placée dans les derniers du classement sur la plateforme, avec la perte de visibilité que cela implique.
La sanction peut aussi venir des internautes. Elle peut prendre la forme d’un « backlash », un retour de flammes aussi néfaste qu’immédiat, lorsque les internautes détectent des avis qui leur semblent trop positifs. Quitte à montrer une certaine paranoïa s’ils ont rencontré un souci avec la marque et qu’ils lisent des avis positifs. Ainsi, sur Trustpilot, cet internaute voit dans les pseudos utilisés par les internautes la preuve qu’il s’agit de faux commentaires… alerte au complot !
L’avis du CM de Web Report
Le client est toujours prompt à laisser un avis sur les plateformes dédiées ou sur les réseaux sociaux dès lors que son expérience ne lui donne pas satisfaction. Mais la culture de l’avis positif est beaucoup moins répandue chez les internautes français qu’elle ne l’est chez les Anglo-saxons par exemple. Le résultat pour les professionnels ? Une impression de recueillir des avis négatifs seulement alors que 99% des clients sont satisfaits.
Sans céder à la tentation de faux avis, il existe des solutions pour remonter une note un peu trop faible, ou pour mettre en valeur des expériences qui correspondent mieux au savoir-faire de l’entreprise. Ces leviers consistent notamment à solliciter les internautes. Mais aussi à répondre avec attention à chacun des avis postés : pour un client qui prend la peine de laisser un message, une réponse précise et rapide est une vraie valeur ajoutée. Elle lui donne encore plus d’importance et le conforte dans sa démarche bienveillante. Et à notre avis, c’est ce qui permet aussi de montrer aux internautes la légitimité de chaque avis !